Le net s’envole, l’écrit reste

Billets

Suis pourtant pas bien vieux… mais un fossé sépare la méthode de recherches de l’étudiant de 2014 (et celui d’une bonne décennie avant aussi) de l’étudiant que j’étais, voilà 14 ans.

Car la pêche aux infos est générationnelle : avant la démocratisation et la supplantation de la toile comme sources exclusives d’informations, et avant même ce phénomène pénible des chaines d’infos en continu, les moyens de se documenter sur un sujet n’étaient pas condensés en un moteur de recherche : Google. Malgré leur éparpillement, le fouillis qu’ils créaient sur les bureaux des bibliothèques universitaires, ils portaient en eux une probité diablement absente des pages web. Pour combien de temps : c’est une autre question. Nul doute qu’elle sera abordée et tranchée sous 10 ans.

Comment se documentait jadis l’étudiant ?

– par les journaux, « Le Monde » entre autres (parce que le Figaro à l’université, ça le faisait vraiment pas)  mais aussi et plus largement les hébdos avec pour les plus fouillés,  des cahiers thématiques.

– Les bibliothèques. Aux bureaux remplis de tours de Pises, on l’a vu, mais et j’en ai sacrement goutées, les bibliothèques municipales aussi.

– les ouvrages de référence facilement accessibles en faculté, écoles… avec la possibilité d’aller au fond des choses aidé d’un sommaire, d’une chronologie… d’un classement !

Contrairement aux blogs, échanges anonymes et autres plateformes non certifiées, les publications, qu’elles soient ponctuelles (magazines) ou non (essais) sont toujours attribuables à un ou une communauté d’auteurs. Avec un numéro d’agrément, des journalistes (dont la mode est de mentionner leur adresse email à chacun de leurs articles), directeurs de recherche, des contre publications elles-mêmes très encadrées.

A part chez l’Harmattan, on ne publie d’essais ou d’études de parfaits inconnus. Le livre a la légitimité de la publication. On peut présumer d’un parti pris à partir des convictions, engagements, origines des auteurs mais si l’un d’entre eux dit qu’un mur noir est blanc, son livre a peu de chances de durer.

J’ai assisté à l’émergence du net chez les étudiants et je trouve le phénomène vraiment navrant. Wiki est truffé d’erreurs, souvent totalement bénignes, et les réseaux d’influences polluent les recherches (au niveau économique, y’a des services dédiés. Plus grave, au niveau politique).

Personnellement, j’ai le réflexe de ne jamais chercher en ligne une info sensible. Le réflexe inverse de la plupart des – 25 ans.

Enfin, il y a depuis quelques années, plus d’une décennie en fait, une méfiance institutionnalisée de l’information « officielle ». Chaque comité de rédaction, chaque journaliste est présumé lié à des groupes de pression. Résultat : les jeunes ne croient plus en rien, se méfient de tout et sont naturellement séduits par l’analyse la plus valorisante pour leur égo en construction « tous pourris » « tous manipulés »… ça ne vous rappelle rien ?

Que reste t-il aux journalistes, chercheurs, enseignants et toutes les personnes qui informent ou s’engagent dans un cadre régi (forcément corrompu) une fois que leur parole est préjugée ?

Les politiques ne donnent guère l’exemple en ce moment et les scandales à répétition achèvent la perte de confiance dans tout ce qui s’annonce formellement. A qui cela profite ? A ceux, au contraire, qui font de l’opaque leur lit. Des réseaux d’influence mais aussi des frustrés, des jaloux, des ignares à la verve flatteuse. La propagande est le mal de ce début de siècle et elle enfle facilement par le climat délétère en France ou en Europe. « j’ai pas de taf, je galère… Untel me dit que c’est la faute de l’Autre, il doit avoir raison, ça me déculpabilise et puis ça fait passer la pilule de l’échec plus facilement »

Un célèbre –le meilleur ?– scénariste de BD anglais, Alan Moore, avait planché plusieurs années sur un livre aux thèses complotistes. Il était fortement fourni en info d’un groupe portant ces thèses devant la Cour Suprême américaine. 3 ans de recherche il me semble pour en arriver à ce constat : la thèse conspirationniste opère un transfert de responsabilité sur celui qui porte ou colporte la thèse. Ca flatte forcément l’égo de se dire « moi je sais » sauf que le Allan en a été dégouté : impression d’évoluer dans un univers de barges paranos. Le projet n’a pas abouti.

Le net et ses réflexes Google, Wiki est un référent dilué, versatile et sans cesse remis en cause. C’est comme si l’on lisait un journal en cours d’écriture, des centaines de mains de tout bord griffonnant son analyse (le mot est flatteur) : vous imaginez réussir à lire une ligne ?

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