Chacun ses aspirations, moi quand j’ouvre Houellebecq j’attends d’être accroché, embarqué.
Voici les premiers paragraphes de trois livres de Houellebecq :
« Vendredi soir j’étais invité à une soirée chez un collègue de travail. On était une bonne trentaine, rien que des cadres moyens âgés de vingt-cinq à quarante ans.
A un moment donné il y a une connasse qui a commencé à se déshabiller. Elle a ôté son T-shirt, puis son soutien-gorge, puis sa jupe, tout ça en faisant des mines incroyables. Elle a encore tournoyé en petite culotte pendant quelques secondes, et puis elle a commencé à se resaper, ne voyant plus quoi faire d’autre. D’ailleurs c’est une fille qui ne couche avec personne. Ce qui souligne bien l’absurdité de son comportement » in Extension du domaine de la lutte
« Soyez les bienvenus dans la vie éternelle, mes amis.
Ce livre doit sa naissance à Harriet Wolff, une journaliste allemande que j’ai rencontrée à Berlin il y a quelques années. Avant de me poser ses questions, Harriet a souhaiter me raconté une petite fable. Cette fable symbolisait, selon elle, la position d’écrivain qui est la mienne. » In La possibilité d’une île
« ce livre est l’histoire d’un homme, qui vécut la plus grande partie de sa vie en Europe occidentale, durant la seconde moitié du XXème siècle. Généralement seul, il fut cependant, de loin en loin, en relation avec d’autres hommes. Il vécut en des temps malheureux et troublés. Le pays qui lui avait donné naissance basculait lentement, mais inéluctablement, dans la zone économique des pays moyen-pauvres ; fréquemment guettés par la misère, les hommes de sa génération passèrent en outre leur vie dans la solitude et l’amertume » in Les particules élémentaires
OK, on peut avoir envie de poursuivre. Mais personnellement, je préfère quand ça commence comme ça :
« c’était un matin calme. La ville, drapée par l’obscurité, reposait tranquille dans son lit. L’été s’amoncelait dans l’air du temps. Le vent avait un souffle régulier et le monde respirait à longs traits, profonds et lents. Vous n’aviez qu’à vous lever et vous pencher à votre fenêtre pour en en prendre conscience, c’était là réellement le premier instant vrai de liberté et de vie, le premier matin de l’été »
Ray Bradbury in Le vin de l’été
ou
« Richard n’allait pas au cimetière. Il disait que les chapelles, les croix, les étroites sépultures alignées au cordeau, l’empêchaient de sentir. A la vérité, quand il songeait à la pierre de chevet qui portait juste une date et un nom et qu’il comprenait que Daniel était là, Richard se trouvait envahi par ce refus panique, cette horreur, cette déroute de l’esprit qu’il avait connus devant le cadavre de Daniel. Et il avait peur. Et il se forçait à penser que, pour entretenir en lui la mémoire vivante de Daniel, il devait la mêler à toutes les démarches de sa vie » Joseph Kessel in L’homme de plâtre
Mais encore
« Tous les cris de la terre ont leur écho dans mon ventre.
Je m’appelle… En fait, mon nom importe peu. les putains elles s’en foutent pas mal que tu sois écrivain ou goûteur de beignets. Tu les paies. Elles te font jouir. Et tu te casses après. Comme si de rien n’était. Pour nous autres, clients, c’est pareil : les noms, ça ne compte pas. C’est comme hurler à tout bout de champ que la terre est ronde. Que D-ieu existe. Pourtant, la terre n’a pas toujours été aussi ronde que l’existence de D-ieu… « Je suis écrivain ». C’est ce que je réponds quand on me demande ce que je fais dans la vie. Une affirmation qui pourtant sonne faux, à mon avis, puisque j’écris avec la mort et dans la mort. Ce lieu échappé à la pesanteur » Makenzy Orcel in Les immortelles.
Les trois autres ne se sont jamais revendiqués ni ne se revendiquent (Makenzy est plus jeune que moi) d’un quelconque concept d’écriture, ils se contentent de raconter, de conter ou de témoigner une histoire, un récit biographique, une vie. Évidemment on peut concevoir la logique -même si le terme me parait étranger à l’art- la finalité ou même le ressort de son écriture, mais je crois aussi qu’elle peut être une expression personnelle, sans autre fard que le récit, de la vie.
Si certains d’entre vous se demandent encore ce dont je me navre chez Houellebecq, c’est d’une totale absence de style. Certains avancent qu’il faut y voir une parfaite adéquation avec le propos de l’écrivain sur le monde qui l’entoure. On peut avoir une autre vision du monde mais il faut reconnaître que celle-ci a ses adeptes. C’est d’ailleurs l’analyse posée dans l’article précité d’Oriane repris dans un précédent billet, article qui, au passage flirte avec l’ironie.
Mais je persiste à croire qu’on peut écrire sur tout de mille façons différentes et qu’il est plus artistique, ou au moins plus beau, de définir par les sens, une harmonie des mots et des idées qui insufflent le sentiment ou le jugement -puisque l’œuvre de Houellebecq en est bien truffée- qu’user d’un vocabulaire faible, plat voir grossier.
C’est un peu comme dessiner un gros zizi tel qu’on peut les voir sur les cloisons de certains chiottes, et une peinture réaliste d’un nu. Est-ce que, l’origine du monde:
aurait eu le même impact s’il l’avait ressemblé à ça :
je caricature à peine dans la mesure où le style employé par Houellebecq est cru et d’une platitude extrême comparé aux auteurs précités mais surtout à tous ceux qui font le patrimoine littéraire de leur pays.
Après, sur l’originalité du propos, il faudrait que j’arrive à en terminer un, ce qui n’est pas gagné pour les raisons explicitées précédemment. Puisque vous supposez -et une grande partie de la presse vous donne raison- que Houellebecq porte sur son époque un regard novateur et juste, je vous invite à vous y pencher sérieusement en le lisant, si possible en faisant abstraction de tout le reste.
Je suis déçu du bonhomme. J’avais déjà feuilleté le lascar par le passé, et c’était horrible. A la lumière des commentaires ici et là sur son œuvre j’ai retenté l’expérience, toujours aussi atterré par la forme, ennuyé par le fond. Il est tout de même formidable d’avoir à chercher les qualités d’une œuvre. J’ai toujours pensé que le génie d’un artiste était de simplifier quelque chose d’extrêmement complexe à réaliser, d’où « la claque » qu’on dit prendre parfois. Là j’ai l’impression qu’un commentaire de texte pour les nuls comme moi doit être
joint au texte. Je ne suis pas dans la répulsion -c’est le contexte du livre qui me la donne- à la lecture de Houellebcq mais plutôt dans l’ennui le plus profond.
J’invite donc tous ceux qui ont lu, compris et apprécié les deux auteurs Houellebecq et Zeller, à participer ici, histoire que nous dépassions le stade des suppositions
Je ne plaide pas pour une écriture bardée d’adjectif, je tends même personnellement au strict nécessaire et ceux qui me connaissent bien dans mes aspirations littéraires savent que je fais mien le conseil d’Hemingway (on parlait de fioritures ?) : les faits, juste les faits.
Mais s’affranchir des formules à 8 lignes et du déballage des mots commençant par la lettre K du dictionnaire n’empêche pas d’avoir une voix, un ton fort, distinctif et surtout harmonieux, une musique dans le texte comme l’est une partition. Or chez Houellebecq je n’en décèle aucune.
Donc n’allons pas plus loin dans la caricature, la littérature mérite mieux. Et aucun des auteurs précités dans leurs premiers paragraphes n’est connu pour être un poseur. Il s’agit plutôt d’un souffle, d’une patte et surtout, d’un style.
Et pour Zeller : aucun courageux pour s’y atteler ?
j’ai poursuivi ma lecture de Houellebecq hier « la possibilité d’une île » Pour le coup, le style change radicalement -qui a dit qu’il ne changerait pas une recette qui marche ?- c’est assez bien écrit et sur le fond, il y a des idées intéressantes. Donc pour ça, je pousserai l’effort jusqu’à continuer un peu (j’en suis à la page 45, j’ai de la marge pour arrêter). Par contre le propos est toujours aussi déplaisant : hauteur de vues, jugements grinçants… (ça devrait te plaire^^) N’en serait-ce l’humour qui s’en dégage, et un parfum de justesse parfois, je laisserai tomber le bouquin. Mais je continue, l’occasion peut-être de porter enfin ici un jugement en connaissance de cause.
Quoi qu’il en soit les je ne suis pas friand des débats sur la définition ou la non-définition de l’art mais j’ai comme une gêne à cet endroit dans le concept de Houellebecq. Hemingway, l’un de mes auteurs préférés, était très critiqué de son vivant, notamment pour l’emploi répétitif des « Et » en début de phrase. On sait quel culte lui voue le monde littéraire aujourd’hui.
J’aimerai que quelqu’un ici me cite du Houellebecq en me disant : »Putain ! ça claque ! »
J’aimeJ’aime
Edit :J’émerge un peu -jusque là j’écrivais un peu abruti de retour d’une longe période d’embouteillage- et suis toujours aussi stupéfait du concept de Houellebecq : un style volontairement simple vulgaire pour exprimer un monde qu’il l’est tout autant dans ses aspirations et son expression. Ben, je reviens toujours à ma première conclusion : Houellebecq c’est du non-art. La recherche de beauté n’est-elle pas l’essence d’une œuvre ? Transposée à la musique, ce serait composer une partition si minimaliste qu’elle en deviendrait abrutissante. Évidemment il y a un peu de distraction chez Houellebecq, enfin je l’ai trouvée dans l’extrait sur la possibilité d’une ile, la seule entame qui donne envie d’en lire un peu plus, mais le concept de son écriture est profondément égoïste et vain car il ne réussit qu’à prouver qu’une chose : dans son expression d’une époque il est aussi méprisable qu’elle.
Et le titre de l’article d’Oriane prend toute sa force : la poésie (puisqu’il y est question du Houellebec poète) est-elle digne de lui ?
On est là à l’autre extrémité de l’artiste, dont l’humilité est souvent observée chez les plus reconnus, on nage en plein dans l’auto satisfaction, sans recherche de se dépasser, de dépasser l’époque ou la vision qu’on a. Finalement ceux qui pensent que parce qu’il chie et écrit avec sa merde, Houellebecq est remarqué (able). Et parce que c’est audacieux et qe certains lui prêtent de l’originalité, d’autres crient au génie. Qu’on me dise qui y prend goût ici ?
J’aimeJ’aime